Il faut qu'on parle de Kevin, Lionel Shriver
Attention, roman terrible...
Kevin, un adolescent américain, a commis une tuerie dans son lycée, abattant certains de ses condisciples, un professeur, un employé de la cafétéria. Alors qu'il est en prison, sa mère, seule, écrit de longues lettres à son mari. Ces lettres reconstruisent progressivement toute l'histoire : la rencontre d'Eva et Franklin, la décision de faire un enfant, la naissance de Kevin et ses premières années...jusqu'au massacre. En arrière-plan, ses lettres interrogent sa responsabilité et sa façon de rester mère malgré le drame.
Sur un thème difficile, Lionel Shriver réussit un tour de force : elle ne sombre jamais dans le pathos ni dans le sensationnel. Les personnages sont très fouillés, Kevin et sa mère notamment en sont jamais réduits à des stéréotypes, toute leur complexité apparaît au fil des pages. L'écriture est travaillée mais reste fluide et donne de la hauteur au sujet choisi, ce qui fait que ce livre ne ressemble à aucun autre. Il est terrible, vraiment, parce qu'on se dit au fur et à mesure de la lecture que tout ça aurait peut-être pu être évité, notamment devant l'aveuglement de Franklin, et qu'on se demande ce qu'on aurait fait à la place d'Eva. Terrible, parce qu'il met très mal à l'aise - surtout si l'on est soi-même mère. Terrible enfin, parce qu'un acte comme celui-ci s'est reproduit plusieurs fois et que l'assassin, dans ce cas-ci, est sans remords et - presque - sans réelle conscience de ses actes. Terrible aussi, la fin - qu'on ne pressent que très tard. Il est difficile de parler de ce livre, justement, mais il me "poursuit" depuis que je l'ai refermé.
Un grand roman, peut-être un peu long, mais qui ne laissera personne indifférent. Merci à Val qui, après l'avoir cité plusieurs fois dans son blog, m'a convaincue de le lire !