Le conflit, la femme et la mère, Elisabeth Badinter
C’est assez déstabilisant de lire ce livre. Tout au long, EB fait le constat que le discours ambiant actuel, qu’elle appelle « naturaliste », est un danger pour les femmes et représente aussi un frein à la natalité. Elle fustige ce dogme de la bonne mère, allaitante, toute disponible à son enfant pour lequel elle a arrêté de travailler, un enfant devenu un roi auquel on doit tout - en mettant entre parenthèses sa vie de femme. Sa « démonstration », critiquant avec force la Leche League, les pédiatres et pédopsychiatres, l’accouchement naturel - et tout ce qui est vu comme naturel - se termine par quelques pages…qui expliquent que les Françaises ne sont pas concernées. En refermant le livre, je ne savais plus très bien quoi penser.
Pourtant, on ne peut évidemment rester indifférente - surtout quand on est en congé parental, qu’on allaite et qu’on est sensible à l’environnement… Je partage avec l’auteur un certain nombre de constats : tout est fait pour culpabiliser les mères, qui doivent faire toujours plus, au point que de plus en plus de femmes reculent ou carrément refusent la maternité ; les tâches éducatives et ménagères sont encore trop souvent l’apanage des seules femmes (pas chez moi cependant !) ; la Leche League est bien trop extrême. Mais je suis révoltée par le ton désagréablement ironique de certains passages qui tendraient presque à nier les impératifs écologiques, les questions de santé et les besoins de l’enfant. De ces besoins, il n’est jamais question : pour Badinter, seul compte l’intérêt de la femme. Quand on choisit de faire un enfant, de l’élever, on essaie pourtant bien de faire ce qui est bon pour lui, non ? Et elle qui ne cesse de critiquer - parfois avec raison me semble-t-il - ces femmes qui pensent que c’était mieux avant et cherchent plus de naturel dans la contraception, l’accouchement, la nourriture de l’enfant, fait la même chose en regrettant les années 1970 pendant lesquelles on pouvait vivre sa grossesse en toute « insouciance et légèreté » - comprenez : en buvant et en fumant, en vivant sa vie comme si de rien n’était. Et oui, faire un enfant demande des efforts et des sacrifices !
S’il est vrai que le la lutte doit continuer pour le statut des femmes, leurs droits, que chacune doit avoir le choix de faire comme elle l’entend, je crois cependant que Badinter se trompe de combat : ce n’est pas l’allaitement ou l’attention portée à son bébé qui menace la femme, certains pères trouvent très bien leur place avec ça, et il se trouve aussi que les femmes ont du bon sens et savent faire la part des choses ! Le propos, trop ironique, trop exagéré, pas toujours étayé (le livre d’Eliette Abécassis n’est qu’un exemple, surement pas une généralité) ne m’a absolument pas convaincue. J’ai trouvé plus intéressants le début et la fin du livre, avec une réflexion sur les raisons pour lesquelles on fait - ou pas ! - des enfants, mais elle aurait gagné à être plus poussée.
J’ai lu ce livre très vite, en m’énervant beaucoup par moments, mais il retombe comme un soufflé à la fin - au final, il ne mérite peut-être pas tout le battage qu’on en a fait !